Le 10 avril 2020, le ministère du Travail a mis à jour son document questions/réponses sur l’activité partielle (dit aussi « chômage partiel »). À cette occasion, l’administration a pris position sur une question qui restait en suspens depuis des années : la base de calcul de l’indemnité d’activité partielle versée au salarié et de l’allocation remboursée au salarié, lorsque la rémunération du salarié comprend des primes, des éléments variables ou des heures supplémentaires.
Rappel sur les heures indemnisables
Heures perdues sous la durée légale du travail
En cas d’activité partielle, la règle de principe veut que seules les heures de travail perdues sous la durée légale du travail (35 h/semaine), ou si elle est inférieure sous la durée collective ou contractuelle du travail, sont indemnisables (c. trav. art. R. 5122-11 et R. 5122-19).
Dans les secteurs déterminés par décret ou par accord de branche étendu dans lesquels s’applique une durée dite « d’équivalence » à la durée légale du travail, le gouvernement a prévu, à titre exceptionnel, que les heures d’équivalence rémunérées son également indemnisables, du 28 mars jusqu’à une date qui sera fixée ultérieurement par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020 (ord. 2020-346 du 27 mars 2020, art. 1, JO du 28). Pour mémoire, les heures d’équivalences en cause sont celles effectuées et rémunérées entre 35 h hebdomadaires et la durée d’équivalence applicable (ex. : 39 h).
Pas d’indemnisation des heures supplémentaires ou complémentaires
En revanche, au-delà de la durée légale du travail, ou si elle est inférieure de la durée collective ou contractuelle du travail, les heures chômées ne sont pas indemnisables au titre du chômage partiel (c. trav. art. R. 5122-11).
De fait, les heures supplémentaires perdues au-delà de la durée légale du travail (ou de la durée d’équivalence), ainsi que les heures complémentaires des salariés à temps partiel ne sont pas éligibles au chômage partiel.
Sauf usage ou accord collectif contraire, l’employeur n’a pas à indemniser ni à rémunérer ces heures. S’il le fait, il ne recevra aucune allocation d’activité partielle en remboursement à ce titre et les sommes sont, selon l’administration, assujetties à cotisations dans les mêmes conditions que le salaire.
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Calcul de l’indemnité : ce que disent les textes
Pour chaque heure indemnisable, l’employeur verse actuellement, aux dates normales de paye, une indemnité égale à 70 % de la rémunération horaire brute de référence (c. trav. art. R. 5122-18 et R. 5122-14, al. 2).
L’indemnité horaire est déterminée par référence à la rémunération brute servant d’assiette au calcul de l’indemnité de congés payés calculée selon la règle du maintien du salaire (et non du 1/10e), « ramenée à un montant horaire » sur la base de la durée légale de travail ou, si elle est inférieure, de la durée collective du travail ou de celle mentionnée dans le contrat de travail (c. trav. art. R. 5122-18 renvoyant à L. 3141-24, II).
En son temps, l’administration avait précisé que cette règle visait à prendre en compte les primes entrant dans la base de calcul de l’indemnité de congés payés dans le calcul des indemnités d’activité partielle à verser aux salariés (circ. DGEFP 2013-12 du 12 juillet 2013, note technique révisée 2015, fiche 6).
Pour autant, à l’époque, l’administration n’avait pas donné les clefs des calculs à opérer, notamment pour les variables (commissions, etc.) ou les rémunérations incluant des heures supplémentaires structurelles, au demeurant non indemnisables.
De fait, les pratiques, et les recommandations des Dirrecte, ont donc été diverses.
Pour les variables de rémunération, certaines entreprises ont retenu des moyennes, sur des périodes plus ou moins étendues. Pour les durées du travail de 39 h hebdomadaires, certains l’ont ramené à un montant horaire en divisant la rémunération mensuelle par 151,67 h, d’aucuns par 169 h, tandis que d’autres ramenaient la rémunération mensuelle au taux horaire de base réel, hors majorations pour heures supplémentaires.
La logique des nouvelles précisions de l’administration
Le recours massif à l’activité partielle dans le contexte de la crise sanitaire du coronavirus a rendu indispensable une prise de position de l’administration sur l’assiette de calcul de l’indemnité d’activité partielle, et donc du remboursement de l’employeur.
Le 10 avril 2020, l’administration a actualisé son document questions/réponses sur l’activité partielle en donnant sa position de référence sur les modalités de calcul de la rémunération horaire de référence. Au passage, le ministère du Travail a rapporté la fiche 6 de la note technique annexée à la circulaire DGEFP de 2013, dont les précisions ne sont donc plus applicables.
La logique de l’administration peut se résumer en une idée : revenir au taux horaire réel de base du salarié, en intégrant les primes dont le montant dépend du temps de présence et hors heures supplémentaires, puisqu’elles ne sont pas indemnisables.
La méthode du document questions/réponses de la DGEFP
Trois étapes :
Le calcul du taux horaire de référence doit se faire en trois temps :
– Détermination du taux horaire de base ;
– Si le salarié a des primes, il faut également calculer le taux horaire des primes calculées en fonction du temps de présence ;
– Si le salarié une rémunération variable, il faut également calculer le taux horaire correspondant aux éléments de rémunération variable.
On précisera, pour la bonne forme, que le document questions/réponses de l’administration n’a pas en lui-même de valeur juridique opposable. S’il donne le « La » de la doctrine de l’administration, ces positions s’entendent sous réserve de l’appréciation des tribunaux en cas de litige.
1. Taux horaire de base
La rémunération à prendre en compte est celle que le salarié aurait perçue dans le mois s’il n’avait pas été en activité partielle, incluant les majorations (travail de nuit, le dimanche…) de ce salaire, mais hors heures supplémentaires et leur majoration.
Cette rémunération est divisée par le nombre d’heures mensuelles correspondant à la durée légale sur la période considérée (ex. : 151,67 h sur le mois) ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat. Le résultat de cette division donne le taux horaire de base.
Selon cette méthode, un salarié qui a une rémunération mensuelle de 2 600 € pour 169 h, dont 17,33 heures supplémentaires majorées de 25 %), a un taux horaire de base de 2 600 / [(35 + (4 × 125 %)) × 52/12] = 2 600 €/173,33 = 15 €.
En revanche, un salarié qui a une rémunération mensuelle de 2 600 € pour 151,67 h a un taux horaire de 2 600 €/151,67 = 17,14 €.
2. Prise en compte des primes mensuelles qui dépendent du temps de présence
Il faut ensuite, selon l’administration, prendre en compte les primes versées mensuellement qui sont calculées en fonction du temps de présence du salarié, et qui par conséquent sont affectées par l’activité partielle (ex. : primes de pause payée).
Le montant des primes à prendre en compte est celui que le salarié aurait perçu s’il avait travaillé.
Ce montant est divisé par le nombre d’heures mensuelles correspondant à la durée légale sur la période considérée (151,67 h sur le mois) ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat.
Le résultat de cette division donne le taux horaire des primes mensuelles calculées en fonction du temps de présence.
3. Taux horaire des éléments de rémunération variable
L’administration prend ensuite en compte les éléments de rémunération variables, entendus ici comme non mensuels.
Cette catégorie regroupe :
-les éléments de rémunération variable au sens propre (commissions, pourboires…).
-les primes versées selon une périodicité non mensuelle, pourvu qu’elles soient calculées en fonction du temps de présence du salarié, et donc affectées par l’activité partielle : l’administration cite, à titre d’exemple, une prime annuelle d’ancienneté ou d’assiduité calculée selon le temps de travail effectif.
Le montant mensuel de référence de ces éléments est égal à la moyenne de ces éléments de rémunération variables perçus au cours des 12 mois précédant le premier jour d’activité partielle de l’entreprise (ex. : pour une mise en activité partielle au 1er mars 2020, période allant du 1er mars 2019 au 29 février 2020). Si le salarié a travaillé moins de 12 mois, on prend en compte la moyenne de la totalité des mois de sa période de présence.
Les exclusions
⛔ Exclusion des heures supplémentaires du calcul du taux horaire
Les heures supplémentaires, même structurelles (ex. : convention de forfait de 39 h hebdomadaires, durée collective du travail de 39 h), ainsi que leurs majorations, ne sont pas prises en compte, puisqu’elles ne sont pas indemnisables au titre de l’activité partielle.
D’un point de vue mathématique, cette solution est cohérente car dans le cas contraire, cela reviendrait de fait à les rendre indemnisables.
Exemple (fermeture totale tout le mois) :
un salarié est rémunéré à 15 €/heure. Pour 169 h, dont 17,33 majorées de 25 %, sa rémunération globale est de 2 600 € (ventilés en 2 275 € d’heures de base ; 325 € d’heures supp’ majorées de 25 %) :
- indemnités d’activité partielle selon le Q/R (taux horaire réel de base) : 15 € × 70 % × 151,67 h = 1 592,54 € ;
- indemnités si l’on divisait la rémunération mensuelle totale (heures supp’ comprises par 151,67 h) : indemnités = (2 600 €/151,67 h) × 70 % × 151,67 h = 1 820 € ;
- indemnités si, hypothèse d’école, les heures supplémentaires étaient éligibles à l’activité partielle : 15 × 70 % × 169 = 1 774,50 € ;
Au final, une division par 151,67 (cas 2) équivaut à « couvrir » de fait les heures supplémentaires (cas 3), qui ne sont pourtant pas indemnisables, en l’état des textes.
On notera que fin mars/début avril, certaines organisations syndicales ont fait état d’un décret à venir, pour le cas particulier des hôtels-cafés-restaurants, permettant d’indemniser le chômage partiel sur la base de 39 h. Cependant, aucun texte en ce sens n’était encore sorti à l’heure où nous rédigions ces lignes.
⛔ Primes et indemnités exclues du taux horaire
Par ailleurs, ne sont pas pris en compte :
- les primes ou indemnités ayant le caractère de remboursement de frais professionnels ;
- les éléments d’épargne salariale (intéressement, participation, etc. ) ;
- les primes qui ne sont pas affectées par la mise en activité partielle (par exemple, à notre sens, prime d’ancienneté mensuelle versée intégralement pendant la période d’activité partielle, prime de vacances annuelle ou de fin d’année non affectée par l’activité partielle) ;
- la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Montant de l’indemnité et de l’allocation remboursée
Le montant de l’indemnité d’activité versée au salarié est égal à 70 % du taux horaire brut de référence au titre de l’activité partielle multiplié par le nombre d’heures éligibles à l’activité partielle.
Il en va de même pour le montant de l’allocation remboursée à l’employeur, si ce n’est que celle-ci est plafonnée, par heure indemnisable, à 70 % de 4,5 SMIC horaire, soit 31,98 € par heure indemnisable sur la base d’un SMIC horaire de 10,15 €.
Dispositif exceptionnel d’activité partielle – Précisions sur les évolutions procédurales et questions-réponses », mise à jour du 10 avril 2020.