Les travailleurs indépendants s’estiment en meilleure santé que les salariés, mais sont plus exposés. C’est le constat révélé par deux études récentes sur la santé des travailleurs non-salariés (dirigeants et indépendants) menées par la Fondation MMA (1) et Malakoff Mederic (2), en lien avec l’Observatoire Entreprise et Santé Amarok.
Les enquêtes attestent de la bonne santé des travailleurs indépendants, d’autant qu’ils apprécient leur travail. Toutefois, le stress, le manque de sommeil et le sentiment d’isolement demeurent les principaux points de préoccupation.
Une corrélation forte entre santé et satisfaction au travail
95 % des dirigeants de PME se déclarent en bonne santé. Ils sont respectivement 41 % à penser que leur état de santé est bon, 31 % très bon, et 23 % le trouvent assez bon.
Ils sont également 95 % à se dire satisfaits de leur travail. Le rapport entre santé physique et morale et satisfaction au travail semble toujours fortement lié.
Chez le travailleur non-salarié particulièrement, il devient difficile de tracer les limites entre vie professionnelle et vie privée. 66 % affirment que leur propre santé et celle de leur entreprise sont corrélées.
En 2018, le temps de travail diminue sensiblement : 40 % des dirigeants interrogés travaillent 50 heures ou plus par semaine, alors qu’ils étaient près de 50 % en 2015. Ce pourcentage reste élevé et sous-tend le manque de temps de repos qui affecte les dirigeants. Cependant, 84 % d’entre eux estiment que leur temps de travail est supportable.
Un regain de confiance et un moral au beau fixe
Il semble que l’amélioration de la conjoncture économique contribue à préserver le moral des dirigeants. Le contexte économique en 2018 étant moins difficile, les dirigeants se font moins de souci pour leur entreprise et donc envisagent leur activité sereinement.
Leur niveau de confiance concerne à :
– 88 % leur situation professionnelle
– 88 % la situation financière de leur foyer
– 85 % l’activité de leur entreprise
Les plus grandes sources d’épanouissement dans le travail résident dans les dimensions suivantes à :
– 86 % nouvelles méthodes et organisation
– 85 % créativité
– 83 % originalité de leur travail
– 82 % capacité d’innovation
Légère baisse du niveau de stress, mais surmenage et fatigue chronique
Le stress chute de 15 points en comparaison avec l’année précédente. Les incertitudes et les problèmes financiers de l’entreprise ont moins de conséquences sur la forme physique des entrepreneurs (-7 points par rapport à 2017).
Les dirigeants sont toutefois 43 % à se déclarer stressés, et 14 % en souffrent de manière permanente. Si l’amélioration de la conjoncture économique a un impact sur la baisse du stress chez les dirigeants, les sources de stress sont les mêmes et sensiblement en hausse par rapport à l’année précédente.
Les dirigeants sont ainsi stressés à :
– 52 % par le manque de trésorerie
– 51 % par l’activité de l’entreprise
– 31 % par la gestion du personnel
– 19 % par la crainte des prud’hommes
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Le plus grand facteur de stress au niveau personnel est le manque de temps pour arriver à assumer l’ensemble des tâches. 42 % des dirigeants sont concernés, et 24 % d’entre eux estiment que le manque de moments de décompression est le premier facteur de détérioration de leur santé. En une année seulement, le sentiment de manquer de temps a fait un bond de 7 points, passant de 17 à 24 %.
Cette impression d’être sous pression se traduit par :
– La fatigue (34 %)
– La lassitude (26 %)
– Des troubles du sommeil (23 %)
De tous les statuts, les dirigeants et les travailleurs indépendants sont les premiers à considérer leur travail comme extrêmement important. Patrick Légeron, psychiatre, témoigne que « les études européennes conduites sur le sujet révèlent un degré d’implication plus important chez nous en France que chez nos voisins européens. »
Plus d’un dirigeant sur deux déclare ne pas pouvoir décrocher et 45 % d’entre eux se sentent isolés. Ils ne se trouvent pas assez aidés ni soutenus et aimeraient être mieux ou plus épaulés pour les trois quarts d’entre eux. Alors que 42 % des dirigeants estiment que le stress est positif et stimulant pour leur activité, 75 % le voient comme un danger pour leur santé.
Une bonne santé physique malgré des troubles posturaux et un manque de sommeil
Moins d’un dirigeant sur 10 a été arrêté par son médecin au cours des 12 derniers mois. Un tiers d’entre eux déclare éviter l’arrêt maladie. Ils sont d’ailleurs 37 % à juger que la situation de leur entreprise s’est dégradée en raison de cet arrêt.
Parmi les sondés :
– 26 % pensent que leur état de santé a pu avoir un impact négatif sur les performances de leur entreprise
– 26% estiment que leur état de santé s’est détérioré au cours des 5 dernières années
En 2018, les troubles physiques sont en progression par rapport à l’année précédente. Ils sont dus principalement à l’adoption de mauvaises postures au travail :
– Le mal de dos concerne 61 % des sondés
– Les douleurs articulatoires touchent 52 % et progressent de 6 points
En écho avec le sentiment de manquer de temps pour venir à bout de l’ensemble des tâches, la fatigue est l’autre préoccupation montante des dirigeants d’entreprise. En 2018, ils sont 47 % à avouer souffrir de troubles du sommeil, soit une progression de 7 points en 3 ans.
En termes d’hygiène de vie, 8 sondés sur 10 estiment faire le nécessaire pour avoir un mode de vie sain. 83 % des dirigeants veillent à leur équilibre alimentaire, tandis que seulement 68 % des salariés s’en préoccupent.
Cependant, 16 % des dirigeants disent consommer des boissons alcoolisées plusieurs jours par semaine, contre 8 % des salariés. Le rapport s’inverse quand il s’agit de la prise de somnifères, des anxiolytiques ou des antidépresseurs : 7 % des dirigeants sont concernés contre 14 % des salariés.
La particularité des travailleurs indépendants
Ils sont 2,8 millions de travailleurs indépendants en France.
Une étude sur la santé menée par l’Observatoire Entreprise et Santé Viavoice-Harmonie Mutuelle auprès d’un panel de 400 d’entre eux, met en lumière une situation paradoxale. Ils sont près de 82 % à reconnaître l’influence de leur état de santé sur leur productivité. Toutefois, seuls 64 % déclarent faire attention à l’impact de leur santé sur leur activité.
Parmi ces indépendants, 36 % admettent qu’ils n’accordent pas suffisamment de temps à leur santé du fait d’un manque d’information et de sensibilisation.
Il est vrai que les travailleurs à leur compte passent entre les campagnes de sensibilisation, contrairement aux dirigeants d’entreprise et aux salariés qui bénéficient de la sensibilisation des services RH ou de santé d’entreprise.
L’autre facteur de désengagement quant au maintien de leur niveau de santé est directement lié à leur statut. 87 % d’entre eux affirment que leur protection sociale ne leur permet pas de s’arrêter en cas de problème de santé.
Si les réformes engagées pour la suppression du RSI sont approuvées par plus de 80% des sondés, ils sont aujourd’hui encore 73 % à penser que leur statut ne leur permet pas de bénéficier d’une protection sociale optimale.
(1) Enquête « La santé des dirigeants » par la Fondation MMA des entrepreneurs du futur, mars 2018
(2) Étude « Baromètre Santé des dirigeants » par Malakoff Mederic, décembre 2017